Tuesday, October 27, 2009

La mode et les réseaux sociaux 1/3 : Modepass

















Le web 2.0 promettait la mode pour toutes. On ne compte plus les blogs consacrés à l'univers de la mode : des dizaines sont créés chaque jour et leur durée de vie, comme leur succès, sont variables. Mais qu'en est-il des réseaux sociaux ? Si les Facebook et autres Twitter sont devenus incontournables, la démocratisation de la mode sur le net passe aussi par l'existence de réseaux sociaux spécifiquement dédiés à cet univers. Ce billet est consacré au plus frenchy d'entre eux : Modepass.

Créé par des blogueuses françaises en 2008, Modepass pose la question du partage de l'information sous toutes ses formes - bons plans, invitations, actualité, carrières - dans un monde assimilable à un microcosme aux codes strictes. Le réseau parvient-il à dépasser la fermeture de cet univers très parisien pour réaliser les promesses d'un web plus participatif et partant plus démocratique ?

A l'instar de Myspace, de nombreux artistes et créateurs l'ont d'abord rejoint. Il permet aux mannequins de se constituer un book en ligne, d'accroître ainsi leur visibilité et les possibilités d'être repérés par des agences. Les jeunes créateurs peuvent y exposer leur travail, entrer en contact avec des professionnels et d'éventuels clients. Les blogueuses les plus influentes ont très rapidement rejoint Modepass. Le réseau remporte un succès indéniable. Pas moins de 110 nationalités y sont représentées ! Pour autant, il peine à
conquérir et surtout à fidéliser un public aussi large que celui des blogs. Beaucoup de profils ne vivent pas. L'animation des pages personnelles demeure souvent faible. Parmi les internautes qui créent des comptes pour découvrir Modepass, un certain nombre ne reviendront jamais.

Deux difficultés caractérisent le projet d'un réseau spécifiquement dédié à l'univers de la mode:

D'une part, la contrainte du login représente un obstacle à la participation des internautes les moins impliqués dans l'univers de la mode. Le processus d'inscription sur ce type de site, malgré un design et une ergonomie agréables, reste très contraignant. Le visiteur se trouve dans l'obligation de renseigner de nombreuses informations personnelles. Il doit ensuite se créer un réseau et ajouter des "amis". Construire un réseau social aujourd'hui pose une question centrale : face à la multiplication des comptes sur différentes plateformes, faut-il contraindre l'utilisateur à se créer de nouveaux identifiants, voire une nouvelle identité ? L'utilisation des infrastructures existantes comme la simple gestion de pages Facebook constitue une alternative radicale. A ce titre, Modepass propose un compromis intéressant en permettant à ces membres de se loguer à partir de leurs identifiants Facebook, Twitter, Google ou Yahoo. Reste la pesanteur occasionnée par la gestion d'une nouvelle interface pour un internaute évoluant dans un environnement saturé.
D'autre part, l'asymétrie d'information entre visiteurs amateurs et professionnels représente une barrière à l'interaction permanente constitutive du réseau social. Les réseaux sociaux spécialisés dans la mode ont une approche très qualitative et austère de leur objet. Des codes implicites définissent un contrat de lecture qui place le visiteur naïf dans une posture d'observateur passif. Le vocable des fashionistas pourra surprendre un lecteur non averti ! Dans cet univers très urbain, force est de constater que Modepass rejoue le système des blogs de mode où se diffuse une information essentiellement descendante. Le schéma idéal d'un discours interactif ne semble pas résister à l'émergence de leaders et de prescripteurs. On peut craindre une fermeture de cet espace d'échange en alcôve réservée à un petit cercle privé.

Face aux monstres du net, Facebook en tête, Modepass constitue un exemple original de réseau social qui ne parvient pas remplir totalement son rôle. L'obstacle technique et le coût d'accès informationnel semblent inhiber la participation massive. La difficulté à faire de soi-même un acteur à part entière de ce monde interroge le modèle économique du réseau. Les réseaux de référence pourraient le cannibaliser en diluant sa spécificité, se fondant sur une cible plus large et de plus gros moyens financiers pour attirer des annonceurs. Ainsi lorsque Louis Vuitton décide de diffuser son défilé en streaming, c'est sa page Facebook qu'il choisit et non un réseau social spécialisé.